Le cabri et le loup
Le long d'une prairie
Pirouettait un cabri.
À chaque coin du champs
Il bouffait aisément,
L'herbe sèche avec appétit.
Tout à coup il aperçoit
Près du pré se désaltérant,
Dans le courant du ruisseau décru
Par les arbres abattus,
Un pauvre loup déchu,
Et la force lui manquait
Sans doute de vaincre avec rage
Pour être de sa faim saturé.
qu'ils sont immoraux, hardis
Ennemis de la nature,
Ceux qui rendent l'eau impure
Et si mauvais le breuvage,
Bourré de boue et d'ordures,
Pouvant conduire au caveau
le Roi Majesté.
Dit d'un air moqueur, le chevreau :
Je me souviens les ans passés,
L'onde était pure.
je n'ai pas à me justifier,
Répond l'animal sauvage
Dépourvu de rage :
n'est-ce pas tes aïeuls malhonnêtes,
Ravageant nos forêts
Par mauvais usage
Rendent mauvais nos breuvages
Et malsains nos ruisseaux ?
Va-t-en avant de succomber !
Sire, dit le chevreau,
D'un air heureux et ravi
Que le roi Majesté
Ne boive pas de ce mauvais breuvage ;
Mais plutôt vienne dans mon pâturage,
Se désaltérant dans l'eau
Purifiée de mon seau
Moi, mes chiens, mes bergers
Usons de charité.
Marguerite Voltaire